« Le gouvernement ne veut plus de nous » : aux Pays-Bas, les agriculteurs contestent le « plan azote »

Les Pays-Bas visent une réduction de moitié en sept ans des émissions d’azote, ce qui impose une réduction très importante du cheptel. Inacceptable, pour les éleveurs.

Devant la ferme de Richard Veeraaf trône un tracteur flambant neuf acheté pour sa fille de 26 ans qui veut reprendre l’exploitation. « Mais le gouvernement ne veut plus de nous ! », peste cet éleveur de vaches et de cochons. Un plan du gouvernement néerlandais prévoit une diminution de moitié en sept ans des émissions d’azote. Il impose une réduction drastique du cheptel néerlandais, par exemple dans la province du Brabant-Septentrional. Un coup dur pour les éleveurs des Pays-Bas. « Pour moi, avance Richard Veeraaf, l’impact de ce plan, c’est de devoir me séparer d’au moins 35% de mon bétail. Dans certaines zones, certains devront se séparer de 94% de leur cheptel. Comment supporter ça avec nos revenus ? Comment va t-on gagner nos vies ? »

Des chênes tués à petit feu

Aux Pays-Bas, entre les exploitations agricoles et les quelque 160 parcs Natura 2000 protégés par la législation européenne, la cohabitation n’est plus possible. L’air devient irrespirable et les sols sont gorgés d’azote, un gaz issu notamment des déjections animales. « L’azote, ça tue les champignons qui sont autour des racines des chênes. Et les chênes meurent lentement. Au lieu de vivre entre 400 et 600 ans, ils ne peuvent pas vivre plus de 80 ans », alerte Lex Querelle, l’un des responsables de la réserve naturelle d’Oisterwijk.

D’une simple pichenette, Lex Querelle arrache un gros morceau d’écorce avec son doigt. Autour, les arbres sont comme pelés. Nombre d’espèces sont menacées. 70% des oiseaux naissent avec des os trop fragiles, explique le naturaliste. Les efforts faits par le monde agricole pour baisser la pollution, selon lui, ne suffisent plus. « Il y a des moments où il faut se décider à admettre que la croissance n’est plus l’objectif principal. Que trop, c’est trop ».

« On paye le prix de l’inaction pendant des décennies »

Pour Philippe Lamberts, patron des Verts au Parlement européen, ces changements radicaux mais nécessaires doivent être accompagnés, comme on l’a fait à une autre époque, avec la fin du charbon. « Cela veut dire un changement de métier. Il faut voir quelles sont les dispositions que l’État peut mettre en place pour faire passer la pilule. Le politique doit assumer ses responsabilités. On paye aujourd’hui le prix de l’inaction pendant des décennies. Ces changements vont toucher tout le monde dans les modes de vie, mais c’est une question de survie. Et quand c’est une question de survie, on fait ce qu’il faut. »

Pour accompagner la transition, 24 milliards d’euros ont été provisionnés par le gouvernement néerlandais. Sans convaincre. En mars, le Mouvement des agriculteurs citoyens (Boer Burger Beweging, ou BBB), un parti inconnu jusqu’alors qui fédère une vaste colère sociale contre le gouvernement, a remporté une victoire surprise aux élections provinciales. Au-delà des manifestations contre le plan azote, le BBB a capitalisé sur la colère du monde rural, mais aussi sur le rejet de l’élite urbaine dirigeante. Et il est devenu le premier parti au Sénat